Bienvenue au MIT ! Le célébrissime Massachusetts Institute of Technology, basé à Cambridge, Massachusetts, est une des grandes universités des États-Unis. Et compte-tenu de l’importance du hobby ferroviaire dans ce pays, il n’était pas possible d’imaginer le MIT sans petits trains.
Ainsi, le Tech Model Railroad Club (TMRC) est fondé en 1946-1947 par plusieurs étudiants passionnés. Un local leur est fourni par l’université. Dans une salle du bâtiment 20, les étudiants commencent la construction d’un réseau à l’échelle HO, le Tech Nickel Plate Railroad.

Le club est divisé en deux sections : les modélistes, qui travaillent sur le réseau, et le projet « Signals and Power Subcommittee » (S&P), qui gère signaux et puissance, qui est actif, lui, sous le réseau. En effet, pour faire rouler les trains, il faut quelques systèmes électriques qui communiquent entre eux.

Qui dit MIT, dit système complexe et complet ! Le réseau fonctionne grâce à un système téléphonique dévoyé de son usage originel, « The System », qui permet de faire rouler plusieurs trains sur une même voie divisée en cantons. En utilisant des combinaisons de chiffres comme on appellerait un téléphone, les opérateurs peuvent spécifier quelle voie va être occupée par le train, et voir celui-ci s’y rendre. Ce système est très en avance sur son temps : n’oubliez pas que nous sommes dans les années 1950 !
Ces étudiants passionnés, qui par les trains, qui par le System, ont établi un jargon interne au TMRC. Celui-ci comporte des termes totalement obscurs pour les non-initiés. On y trouve un terme spécifique pour désigner « un projet entrepris en vue de servir à un usage spécifique alliant innovation, style, virtuosité technique et plaisir », mais pas forcément parfait : un « hack ». Les plus actifs du « Signals and Power Subcommittee » se nomment entre-eux « hackers ».
La porte d’à côté
Et les étudiants du S&P ne vont pas rester dans le local du club. En effet, pas trop loin de leur réseau se trouvent quelques salles fermées à clé, qui renferment un nouveau joyau d’ingénierie et d’électrique : un ordinateur. À l’époque un tel engin remplit une pièce, et seuls quelques personnes, très soigneusement triées sur le volet, y ont accès ; certainement pas les étudiants de première année !
C’est là que les membres du TRMC s’illustrent : leur envie de comprendre les systèmes logiques font qu’ils entrent discrètement la nuit dans la salle de l’ordinateur et bougent tel ou tel fil, configurent tel ou tel système et font leurs cartes perforées pour nourrir l’ordinateur. Leur but est de comprendre et d’exploiter le fonctionnement de cette nouvelle machine. C’est l’idée originelle du hacking, aujourd’hui détournée par des vandales.
En 1959, une classe dédiée à l’informatique, et accessible aux étudiants de première année, ouvre au MIT. Ce sera le tremplin pour de très nombreux membres du TRMC, qui deviennent des informaticiens célèbres. C’est aussi cette année là qu’un membre du club, Peter Samson, un des pionniers dans la création de logiciels informatiques, compile le dictionnaire du TRMC. Ce lexique mélange termes ferroviaires, informatiques et néologismes du MIT et du TRMC : il deviendra une référence pour le jargon du monde de l’informatique, alors naissant.
Le hack devient alors une discipline de contre-culture, totalement en phase avec les évolutions culturelles des années 1960. En informatique, le hack est une des bases de la culture du Logiciel Libre et de la culture du partage des connaissances. Et le TRMC est aussi le berceau du premier jeu vidéo, Spacewar !.

Culture hacker et ferroviaire
Le lien entre la culture hacker et le modélisme ferroviaire est bien plus fort qu’on ne le pense. La définition du hacker, telle qu’établie en 1994, décrit « une personne qui se délecte de la compréhension approfondie du fonctionnement interne d’un système ». N’est-ce pas ce que font les modélistes passionnés par le fonctionnement d’une locomotive ou par les opérations d’un réseau donné ?
Les clubs de modélisme sont des lieux d’échange depuis plus qu’un siècle. Ils sont sans doute précurseurs du concept de FabLab, né aussi au MIT.
Notre pratique actuelle du modélisme bénéficie des formats informatique ouverts qui font que nos locomotives fonctionnent en Digital via une norme commune, ou que certains d’entre nous apprécient le travail de leur imprimante 3D. On doit aussi au hack (et sans doute au TMRC) Internet, qui est bien pratique pour communiquer entre passionnés !
Le TMRC aujourd’hui

Le club du MIT existe toujours, accueillant des professeurs, employés et étudiants modélistes. Le réseau a déménagé en 1997, lors de la fermeture du bâtiment 20 du MIT. Il a été reconstruit ailleurs, en reprenant quelques éléments des versions précédentes.
Le System, dans sa version 3, est à présent coordonné par un ordinateur et un logiciel dédié. Il permet de faire rouler jusqu’à 17 trains (un train par bloc), via des commandes à main, en mêlant locomotives « classiques » (DC) que celles équipées en Digital (DCC) !
Qui pense encore, en franchissant les portes du Tech Model Railroad Club, qu’il s’agit d’un des lieux d’origine de l’informatique moderne ?