Trains des Amériques

Opérations

Opérations : utiliser les waybills

Sauf mention contraire, Texte et photos : BEn
Trains des Amériques n°3, Juillet/Août 2020

Dans un précédent article, nous avons vu les bases de l’exploitation. Cette exploitation permet de savoir où envoyer quel wagon. Il est temps à présent de passer à un modèle d’exploitation des réseaux miniatures assez courant outre-Atlantique : les waybills.

Ces waybills permettent de passer à une échelle supérieure en terme de nombre wagons gérés, tout en gagnant en souplesse d’utilisation : que du bonheur !


Un waybill pourrait être traduit par « bordereau d’expédition ». À la SNCF, il s’agissait des étiquettes d’expédition. Comme pour les « vrais » trains, les waybills indiquent de nombreuses informations :

  • identification du wagon,
  • identification du changement,
  • identifiant du lieu de livraison,
  • expéditeur et destinataire,
  • ...

Le contenu d’un waybill se veut pratique, car il est destiné à permettre la livraison de la cargaison (ou la mise en place du wagon vide, afin de le charger). Vous pouvez y indiquer ce que vous souhaitez.

Pour leur mise en place sur votre réseau, il est nécessaire de suivre les pré-requis listés dans l’article du mois dernier :

  • identifier les wagons, via leur immatriculation (ou une photo).
  • identifier les lieux de livraison, et, plus précisément, les points de livraison.

Ces éléments indiqueront l’endroit final où sera placé le wagon pour être considéré comme livré. Avec ces deux éléments, il est possible de livrer un wagon.

L’intérêt des waybills par rapport aux feuilles de dessertes présentées dans le précédent article est que chaque wagon se voit attaché une ou plusieurs destinations, listées par cycle. Cela simplifie grandement la mise en place, car il n’y a pas besoin de lister individuellement tous les wagons qui arriveront sur le réseaux ou ceux qui y sont déjà présents. C’est une des règles d’or des waybills : le waybill reste attaché à son wagon.

Créer un waybill

Pour construire un waybill, je prends une vieille carte de visite et, au dos, j’y indique :

  • l’immatriculation du wagon écrit gros, pour le trouver facilement ;
  • le lieu de livraison au cas où plusieurs lieux soient présents sur le réseau ;
  • le point de livraison pour une livraison de qualité ;
  • la cargaison, pour « jouer » avec la priorité.
Les industries sur mon réseau représentant l’Annacis Island.
Voici (en gras) les lieux desservis par le train sur mon réseau. Techniquement, j’ai quatre industries et un interchange, à savoir le Annacis Rail Marine Terminal, qui permet d’envoyer des wagons au Southern Railway of Vancouver Island.

Cas typique : le wagon CP 215135, chargé de sacs d’engrais, doit être livré chez BC Farm Coop.

Une fois le wagon livré là où il doit être (fin de la session de jeu), le waybill est mis de côté, vu qu’il n’a plus d’utilité. Problème : vous avez alors un wagon tout seul dont vous ne savez pas quoi faire. Il faut donc un truc pour réexpédier le wagon ailleurs facilement.

Vous pouvez bien entendu créer un autre waybill : le wagon CP 215135, à présent vide, repart vers le reste du monde (autrement dit, le Canadien Pacifique). Vous aurez alors deux waybills, dont un qu’il faut stocker quelque part entre deux sessions.

On va donc prendre une autre carte de visite pour créer une carte (car card en version originale) qui n’a qu’une seule information : l’identifiant du wagon. Elle représente le wagon, et on y attache le waybill correspondant à la session en cours.

Deux cartes !
La carte du dessous représente l’immatriculation du wagon, celle du dessus les ordres à suivre. Un peu comme si on collait le bulletin d’ordres sur le côté du wagon, comme en réalité.

Là, vous me dites « le problème reste le même » et je vous réponds que oui ! Il y a donc une nouvelle étape à effectuer : avoir tous les waybills sur une seule carte.

Créer des waybills à deux cycles

Pour le moment, j’ai une carte d’identification de mon wagon, et deux waybills.

À l’aide d’un bâton de colle, je colle les deux waybills dos à dos. Comme cela, j’ai un seul élément à manipuler. Voilà, c’est tout. :)

Reprenons notre wagon CP 215135, qui a à présent deux ordres possibles :

  1. arriver sur le réseau, chargé de sacs d’engrais, et être livré à BC Farm Coop 1-2, ou
  2. être sur les voies de BC Farm Coop, vide, et devant être ramené sur les voies du Canadien Pacifique.

Une fois le premier ordre effectué, on applique le second ordre en retournant le waybill unique créé. Puis on réapplique le premier ordre, et ainsi de suite. Chaque ordre est nommé un cycle.

Attention cependant ! On ne change pas l’ordre immédiatement une fois le wagon livré, car il faut encore le décharger. On ne change les ordres qu’une fois la session terminée, le déchargement étant (virtuellement) effectué entre deux sessions.

Une session se termine quand l’ensemble des wagons ont été livrés et quand ceux qui attendaient ont été repris. Avant d’éteindre les lumières et de quitter la pièce où est le réseau, on prend tous les waybills que l’on retourne pour chaque carte wagon. Ainsi, on change les ordres : affichage le cycle 2 à la place du 1 et inversement.

Créer des waybills à quatre cycles

Tant qu’à faire, il est possible d’optimiser les waybills pour avoir plus d’options de livraison. On peut imaginer que CP 215135 :

  1. arrive sur le réseau chargé de sacs d’engrais à destination de BC Farm Coop
  2. quitte le réseau,
  3. revient une autre fois chargé de livres pour être livré à Catrope
  4. quitte le réseau

Nous avons explicitement quatre cycles, que l’on peut avoir sur un seul waybill. Comment ? En écrivant à l’envers ! :)

Deux waybills sur une seulle carte !
Bien entendu, je n’écris pas à l’envers : je tourne la carte. :)

Ainsi on attache quatre destinations sur un seul morceau de papier : deux recto, deux verso. Chaque waybill occupe ainsi une demie-carte.

On lit alors ce qui est lisible, à savoir la carte du wagon et le waybill qui est écrit dans le bon sens. Certain fabricants proposent une carte wagon avec une petite pochette, qui cache la partie écrite à l’envers.

Il n’y a pas nécessité d’avoir des waybills à quatre cycles pour tous les wagons, deux suffisent parfois. Sur mon réseau, certains wagons ne peuvent desservir qu’une seule industrie, il ont donc juste besoin de deux cycles. Par simplification, j’utilise le même modèle pour les 2 et 4 cycles, la seule différence est que le j’ai pas de verso pour les 2 cycles.

Gérer les cycles

Chaque waybill est numéroté
La flèche du haut est celle du numéro de cycle. Celle du bas montre le point rouge permettant d’identifier facilement le point de livraison pour le wagon.

Afin de ne pas se perdre, on indique en haut à droite de chaque waybill son numéro de cycle. Un cycle s’achève avec une session, le moment où on change tous les waybills de sens. Mais le numéro du cycle n’est pas celui de la session. D’ailleurs, on ne numérote pas les sessions, vu que chaque session va être unique avec tous ces wagons à manœuvrer.

Le numéro de cycle n’est utilisé qu’à un moment précis, à savoir la fin d’une session. Il permet savoir quelle est l’étape suivante pour un wagon spécifiquement. Le reste du temps, on en fait totalement abstraction.

L’important est d’éviter d’oublier de changer de cycle au moment de la fin d’une session : le chargement d’un wagon qui vient tout juste d’arriver chargé d’engrais ne peut pas devenir un chargement de livres ; il faut que le wagon reparte en coulisse d’abord. Progressivement, il devient tout à fait normal d’avoir des wagons au cycle 1, d’autre au 2, d’autres au 3, etc.

Ne faites pas l’erreur de vouloir mettre tous les cycles au même numéro.

Trois cycles ? Cinq cycles ?

Il est aussi possible d’avoir trois cycles. Ainsi, sur mon réseau j’ai un gondola qui fait le voyage suivant :

  1. venir de quelque part à l’est pour être chargé sur la barge à destination de l’île de Vancouver
  2. revenir de l’île à destination de BC Farm Coop
  3. repartir vers l’est

Par contre, un seul cycle n’est pas possible (le wagon arrive, et ensuite ?) et cinq cycles ou plus, qui nécessitent une autre carte, ne présentent pas forcément d’intérêt.

Mise au propre

Waybills à imprimer
Ces waybills bilingues (français et anglais) sont à imprimer sur un papier un peu épais. Vous pouvez coller deux waybills dos à dos pour avoir un waybill de quatre cycles.

Mes exemples sont basés sur des cartes de visite, utilisées abondamment pour tester le concept. Mon modèle a évolué, et j’ai à présent réussi à le stabiliser comme il suit :

  • ville d’expédition (from/de)
  • expéditeur (shipper/expéditeur)
  • ville de réception (to/vers)
  • destinataire (receiver/destinataire)
  • route
  • chargement (lading)
  • masse totale (total weight)
  • notes

Bien entendu, il s’agit de mon système adapté pour mon réseau. J’ai ajouté des éléments et j’en ai retirés d’autres. Et même s’il s’agit d’un modèle spécifique, il reste compatible avec les bases des waybills : indiquer le cycle, le chemin et le chargement.

Les villes externes au réseau sont indiquées pour le réalisme : cela amène un peu d’exotisme sur le réseau. Idem suivant le cas de figure pour l’expéditeur ou le destinataire.

La ligne « Route » est importante, car elle indique par où passe le wagon. Exemples :

  • trafic traversant mon réseau du SRY : CN → SRY → ARMT → SVI ;
  • trafic à destination de mon réseau du SRY : UP → BNSF → SRY.

La section note indique d’une éventuelle priorité, un plus pour le jeu.

L’indication de la masse totale est totalement superflue pour d’autres réseaux mais je la prévois en vue du chargement de la barge sur mon réseau, qui devra être fait de manière équilibrée !

Je n’ai pas conservé l’indication « via », présente sur certains waybills (comme ceux de Micromark, voir plus bas) en plus de la ligne « route ». « Via » peut avoir son importance sur un réseau plus gros, où il y aurait par exemple deux routes possibles pour un wagon donné ; « via » permet alors d’indiquer par où passer, comme une une gare de triage spécifique, par exemple.

Point important : une gare de triage n’est jamais une destination : c’est un lieu de transit. Il se peut qu’une voie de débord de la voie de triage soit la destination finale, mais cela sera indiqué comme tel sur le waybill : nom du lieu et nom de la voie.

Si vous voulez vous passer d’une impression, Micromark propose des waybills), les cartes pour wagons et d’autres accessoires (dont des boîtes de stockage). Un pack de démarrage est disponible.

Exploitation du réseau

Pour faciliter l’exploitation du réseau, deux choses sont à prévoir : un endroit où stocker les waybills et un peu de place pour les trier.

Des goussets à waybills
Sur mon réseau, le stockage est réalisé dans des boîtes suspendues au réseau (un gousset). Chaque boîte est à peu près en face de l’industrie concernée. Elle correspond à une industrie, mais il est possible d’avoir une boîte par point de livraison pour de très grosses industries.
Où poser ses waybills ?
Il faut de la place pour lire les waybills. Certains modélistes posent les waybills sur le réseau, ce qui n’est ni commode ni sûr pour le décor. Je préfère avoir une petite plaquette en bois ou en carton attachée au réseau qui me sert spécifiquement de petit bureau.

L’exploitation du réseau est simplifiée, car il est possible de juste arriver face au réseau, prendre le paquet de waybills et commencer à jouer. Le tout est de ne pas oublier de changer de cycle à la fin du jeu, histoire de ne pas se retrouver avec un wagon déjà livrer qu’il faut livrer exactement au même endroit. 🤔

Si je décide qu’un wagon ne doit pas être bougé durant un cycle, j’ai une étiquette « do not move / ne pas bouger » que j’attache au trombone. Je sais que pour cette session, le wagon ne bougera pas. J’ai même une paire de wagons où l’étiquette est directement collée sur le waybill ! Certains exploitants retournent la carte pour qu’elle soit vue de dos : cela signifie que le wagon ne peut être manœuvré.

En conclusion

Avec les waybills, j’ai réellement apporté un gros atout à mon réseau. Il m’est à présent possible de démarrer rapidement une session de jeu, avec un jeu sans cesse renouvelé. Aucune session d’exploitation n’est identique, et certaines configurations font que je me gratte bien la tête !

Dans un prochain article, nous verrons comment se passe une session, ainsi que d’autres astuces pour optimiser vos waybills.




À propos de l’auteur

Modéliste ferroviaire depuis l'adolescence, je travaille aujourd'hui sur un réseau en N canadien orienté opérations ferroviaires. J'aime aussi sortir des sentiers battus (la voie étroite n'est jamais loin) et réfléchir à la pratique modéliste.

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Sauf mention contraire, le texte et les photos de cet article sont disponibles sous licence Creative Commons BY-NC-SA.

Crédits : sauf mention contraire, texte et photos par BEn ; CC-BY-NC-SA ; Trains des Amériques, Juillet/Août 2020.

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