Cette dramatique introduction a pour but d’aborder un élément caractéristique des trains nord-américains de la période actuelle : les conspicuity marks : tout le matériel roulant [1] est à présent équipé de bandes réfléchissantes jaunes (reflecting stripes). Cette idée de faire réfléchir les trains (à défaut de faire réfléchir les automobilistes) a pour but d’éviter les 4000 accidents par an alors inventoriés par la Federal Railroad Administration (FRA) aux États-Unis.
Côté prototypes
Les facteurs accidentogènes constatés par la FRA portent sur le matériel ferroviaire souvent sombre (ou sale), qui ne renvoie pas la lumière des phares des voitures. Le seul avertissement donné aux passages à niveaux non gardés est celui de la locomotive qui siffle et sonne, ce qui a pu arriver avant l’arrivée d’une voiture (cas d’un train long, ou arrêté). De plus, beaucoup de passages à niveau ne sont pas éclairés, ou sont dans des configurations trop particulières pour pouvoir améliorer leur sécurité.
Le problème ne datait pas d’hier, des études ayant déjà été menées dans les années 1950, 1970, 1990 par les organismes du gouvernement des USA. Certains matériels étaient déjà équipés de bandes auto-réfléchissantes : les wagons du Canadien Pacifique ont eu des réflecteurs en blanc et rouge à partir des années 1970. Paradoxalement, à cette époque, tous les camions en étaient déjà équipés de telles bandes...
Après une réflexion (intellectuelle celle-là) commencée en novembre 2003, une normalisation de marquages réfléchissants est mise en place par la FRA le 4 mars 2005 pour les entreprises ferroviaires des États-Unis. Elle concerne tout matériel « traversant un passage à niveau privé ou public » [2]. Le jaune est choisi, car portant peu à confusion par rapport aux réflecteurs rouge et blancs, déjà omniprésents dans la signalisation routière.
Les compagnies ont alors 10 ans pour se mettre aux normes. Du fait de l’interopérabilité des matériels, le matériel canadien et mexicain a suivi. Elle concerne les locomotives et les wagons.
Le schéma d’application est normalisé (norme FRA 224) et peut être résumée ainsi :
- les réflecteurs sont installés à pas moins de 42 pouces du haut du rail et pas à plus de 72 pouces de haut ;
- les réflecteurs ont une surface de 0,5 pied-carré (généralement un autocollant de 4×18 pouces) ;
- chaque réflecteur est espacé de 12 pieds (valeur prise depuis leur axe central) ;
- les réflecteurs sont appliqués verticalement ;
- les réflecteurs ne sont pas appliqués sur un élément présentant un relief ou étant une commande (levier d’ouverture de porte, par exemple) ;
- les réflecteurs aux extrémités font 1 pied-carré et sont à placer au plus près de l’extrémité du wagon ;
- chaque wagon doit avoir une surface de réflecteurs dépendant de sa longueur (tableau ci-dessous) ;
Longueur du matériel concerné | Surface totale minimales des réflecteurs |
---|---|
Moins de 50 pieds | 3,5 pieds carrés |
Entre 50 et 60 pieds | 4 pieds carrés |
Entre 60 et 70 pieds | 4,5 pieds carrés |
Entre 70 et 80 pieds | 5 pieds carrés |
Entre 80 et 90 pieds | 5,5 pieds carrés |
Entre 90 et 100 pieds | 6 pieds carrés |
Il y a bien entendu une foule de cas particuliers ! Les spine cars, articulated et multi-unit articulated cars doivent avoir les bandes réfléchissantes à la hauteur du « plancher ». Pour les flat cars portant un contenant appartenant au propriétaire du wagon (caisse de protection de matériel aéronautique, par exemple), il est recommandé de placer également des réflecteurs sur le contenant. Pour les tank cars, les réflecteurs sont à placer sur une surface la plus verticale possible. Les marquages sont placés horizontalement sur les flat cars et les well cars, ou quand un marquage légal serait recouvert.
Les réflecteurs d’extrémité sont soit en longueur (deux fois plus grands qu’un réflecteur standard, 4×24 pouces), soit en rectangle (deux fois plus larges qu’un réflecteur standard, 8×12 pouces). Pour ce faire, deux autocollants sont posés côte à côte. Il existe des cas où le réflecteur est posé en « L ». Et parfois, c’est fait en fonction de la place disponible. Quand le réflecteur doit être placé sur un élément mécanique, deux réflecteurs de 4×6 pouces sont posés côte à côte.
Concernant les locomotives, une bande continue doit être mise en place au plus près des 42 pouces de haut imposés aux wagons.
Les locomotives ont souvent une livrée étudiée, pour l’image de marque. Elles sont aussi plus souvent nettoyées. Le minimum est d’avoir quelques réflecteurs le long de leur bas de caisse, voire un réflecteur continu tout le long du tablier. Les réflecteurs sont jaunes ou éventuellement blancs [3].
Les autres marquages réfléchissants présents dans la livrée ne sont pas obligatoire, la FRA notant d’ailleurs qu’ils sont souvent trop hauts pour être visibles des usagers de la route. Les locomotives ne sont pas concernées par le fait d’avoir un réflecteur plus grand aux extrémités, vu que d’un côté ton trouve les phares, et de l’autre le reste du train.
Les locomotives de l’Union Pacific (UP) avaient une bande rouge de bas de caisse. Elle est aujourd’hui devenue jaune (livrée « Building America ») pour se conformer aux règles, avec le texte et les bandes rouges de haut de casse parfois réfléchissantes. Sur les machines du BNSF c’est tout ce qui est jaune qui est réfléchissant. Pour le matériel transportant des passagers, la livrée est très élaborée, et elle cache bien les éléments réfléchissants.
L’apposition des strips est obligatoire. Il s’agit d’autocollants avec un adhésif assez costaud pour être apposés sur tous types de peintures. Un wagon ayant eu une application récente voit souvent la zone où est posée le réflecteur être nettoyée pour retirer la poussière.
La présence de réflecteurs est souvent contrôlée, et, quand ils disparaissent (souvent sous un tag), on en remet un dès que possible. Afin d’éviter des coûts de maintenance trop élevés, il n’y a pas obligation de retirer des bandes réfléchissantes appliquées avant la norme ou mal appliquées. Cela donne des exemples intéressants en terme de prototype, dont il faut savoir s’inspirer (bien entendu, sans en abuser).
En modélisme
À présent, voyons comment appliquer cela à nos modèles réduits. Les chiffres donnés précédemment demandent quelques conversions :
- la hauteur minimale entre le haut du rail et le bas des bandes est de 12,3mm en HO et 6,6mm en N ;
- l’espacement des bandes réfléchissantes entre elles, depuis leur axe, est de 22mm en N et de 42mm en HO maximum.
Pour ce qui est de la surface des bandes elles-mêmes, ne vous tracassez pas : les fabricants de solutions ont déjà fait les calculs pour vous, sous forme de décalcomanies ou de stickers prédécoupés.
Les wagons reproduisant des modèles de l’époque actuelle sont souvent déjà équipés de ces réflecteurs. C’est d’ailleurs pour cela que je reproduis l’époque actuelle : un wagon avec réflecteurs peut figurer sur mon réseau sans trop de doutes ! Sur certains wagons peints en jaune, le réflecteur est peu visible, comme en réalité.
La solution la plus classique pour ajouter ces bandes réflectives sur un wagon est d’utiliser une décalcomanie à l’eau. J’utilise personnellement ceux de Microscale (références 60-4389 en N, MC-4398 en HO et 48-4389 en O).
La pose de décalcs ayant été largement abordée dans la presse spécialisée, je ne reviendrai pas dessus, à part pour partager quelques trucs. Déjà, pensez à bien suivre les consignes du fabricant, et notamment à vous avoir du Micro Set de par vers vous, un produit qui vous facilitera grandement la vie lors de la pose de vos décalcs.
Pour les gens pressés, Smokebox graphics propose des autocollants réfléchissants en O et HO à coller sur votre matériel. Parfaits pour équiper rapidement vos modèles réduits, ces réflecteurs sont réellement réfléchissants ! Sur les photos, l’effet est assez bluffant. Les autocollants sont déjà découpés pour les différents usages : il y a des classiques « 4×12 », mais aussi des « 8×12 » ou des « 4×24 » pour les extrémités. L’inconvénient majeur de cette solution est leur épaisseur. En N, l’échelle à laquelle je travaille, ces autocollants ont un petit côté « gros pâté » ; d’ailleurs, ils ne sont plus disponibles au 1:160.
Pour ces deux solutions, les fabricants conseillent de les poser avant de réaliser la patine du wagon et de les sceller avec une couche de vernis mat. Pour ma part, je n’ai pas relevé de problème à appliquer ni l’un ni l’autre sur la patine ou un tag, si tant est que celle-ci a été au préalable vernie ou qu’elle ne soit pas sensible aux liquides (patine acrylique ou aux terres, décalcomanie non scellée, etc.).
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter de bien faire réfléchir vos wagons !