Trains des Amériques

Réseaux

Mickaël Harbour : un port en expo

Sauf mention contraire, Texte et photos : Vlad
Trains des Amériques n°10, Mars 2021

Mickaël Harbour, extraction du Vlad’s Mountains & Kevin Creek Railway, mon grand réseau fixe en cours de construction, est un petit port fictif, situé au bord d’un des nombreux canaux océaniques qui pénètrent profondément au cœur de la Colombie Britannique, état du sud-ouest canadien. Lieu d’échange entre le monde extérieur, à l’aide des nombreux ferries qui sillonnent le Garner Canal, et les quelques hameaux miniers et forestiers à l’intérieur des terres, l’économie de ce petit bourg repose avant tout sur la pêche. Le tout repose sur la surface immense de 1,23 sur 0,70 mètres !

Et quand j’ai écrit cela, j’ai presque tout dit sur le réseau, sauf une chose : Mickaël Harbour répond avant tout à un cahier des charges précis pour lequel ma méthode habituelle de conception et de construction, l’unité pifométrique, n’a pas eu le droit de s’exprimer.

La toute première photo !
Une planche, du scotch et des maquettes.

Ayant fréquenté de nombreux salons spécialisés, tant comme visiteur que comme exposant, je souhaitais un réseau monolithique, de taille réduite et léger de façon à être facilement et rapidement installé puis démonté. En outre, il devait tourner en continu sans que j’aie à m’en occuper, afin de pouvoir discuter tranquillement avec le public, visiter le salon, aller voir les copains, faire mes emplettes auprès de mon fournisseur alsacien préféré...

C’est donc un plan de voie ultra compliqué et difficile à câbler qui a été dessiné, soit un simple ovale en voie étroite commandé en analogique… Après ce long et dur labeur de planification, l’effort suivant (pour ne pas dire le seul), s’est porté sur le décor.

Méthodes et techniques déjà testées

L’infrastructure et le relief sont réalisés d’une manière très classique choisie pour sa légèreté. Il s’agit tout simplement d’un cadre en tasseau de 20 x 20, recouvert d’une plaque de contreplaqué de 5mm. Sur cette assise est fixée, à l’aide de colle à bois, une plaque de polystyrène extrudé de 5 cm d’épaisseur dans laquelle ont été prédécoupés le port et une petite crique.

Le relief, nécessaire pour faire disparaître la voie et ne pas avoir sous les yeux un ovale des plus banaux, est réalisé grâce à un treillis de bandelettes en carton recouvert d’essuie-mains imbibés dans de la colle vinylique diluée à l’eau. Après séchage, le mélange traditionnel de boites à œufs broyées et de plâtre est appliqué afin de former les parois rocheuses. C’est l’une des nombreuses recettes de roches parmi lesquelles on trouve aussi les moulages en plâtre, le polystyrène, la mousse de polyuréthane ou d’ameublement. Chacun à la sienne, l’essentiel étant d’arriver à faire ce que l’on souhaite sans se laisser intimider par l’école d’à côté (toute référence à des événements ayant existé ne serait que purement fortuite…).

Pour la mise en couleur, j’emploie encore et toujours de la peinture acrylique. Cette peinture, mise en œuvre aussi bien sur mon grand réseau que sur mes deux petits réseaux d’exposition, me permet d’avoir une couverture rocheuse identique. Cela veut dire que dans 10 ans, les parois que j’aurai encore probablement à faire sur le VM&KC s’intégreront sans difficulté dans le décor déjà en place !

Je ne m’étendrai pas sur les méthodes de construction intégrale de mes bâtiments ; rien de neuf sous le soleil de Colombie Britannique : du tilleul peint ou teint, des fenêtres Tichy Train Group et un peu de temps.

Même chose pour les quelques 120 ou 130 personnages disséminés sur le réseau, des Preiser , ils ont tous été peints à la main (sauf 4, je tiens à préciser…). Quant aux véhicules, ce sont des kits Jordan. Cette entreprise était spécialisée dans les kits plastiques de véhicules des années 1920 en HO, extrêmement fins mais relativement difficiles à monter. Le propriétaire est hélas décédé il y a quelques années, et pour l’instant, ni l’entreprise, ni les moules n’ont été repris. J’ai la chance de posséder une cinquantaine de ces kits, toujours en boite d’origine, qui seront montés au fur et à mesure de mes besoins.

Le réseau est exposé dans une caisse de présentation ouverte sur trois côtés. Le porte-à-faux, bien que soutenu par deux équerres métalliques, avait quand même tendance à s’affaisser. Pour éviter cela, j’ai tout simplement construit deux conifères à partir de tourillons de 12mm, un pour chaque angle, dont la base repose sur le réseau et le sommet est fixé au cadre supérieur. Ce cadre supporte l’éclairage, 4 spots LEDs aux tons chauds. Le fond de décor, ciel, montagnes et forêts, est peint à la main avec, là encore, de la peinture acrylique.

Nouvelles techniques mises en œuvre

Qui dit port dit eau. Pour la réaliser, je me suis inspiré de deux modélistes réputés, Dave Frary, un américain, et Alexandre Zelkine. Pour réaliser une belle eau « céanique », il faut d’abord peindre un fond qui ne soit ni trop coloré, ni trop uni. C’est en cela que la méthode de Dave m’a inspiré, dans la vidéo ci-dessous :

Dave utilise de la peinture acrylique - du bleu ciel, du blanc, du noir et du vert moyen - qu’il applique avec un gros pinceau rond en méthode pointilliste sans trop mélanger, ce qui donne de belles nuances qui se fondent les unes dans les autres et une couleur de fond plus ou moins marquée en fonction de l’effet souhaité. Enfin, l’énorme avantage de l’acrylique, c’est que si ça ne plaît pas, on peut recommencer sans état d’âme !!!

Et c’est alors qu’intervient Alexandre. Pour donner un effet de profondeur et marquer les vagues, celui-ci utilise un médium acrylique en gel produit par Lefranc et Bourgeois (gel 3D brillant). Sa texture permet de créer du relief, et donc des vagues à l’aide d’un simple pinceau applicateur. On peut aussi inclure divers débris, ou insérer proprement et de manière réaliste les coques des bateaux dans l’eau. Une fois sec, je surligne le sommet des vagues avec de la peinture blanche selon le principe du dry-brushing. Enfin, si nécessaire avant une exposition, je repasse une couche de vernis acrylique brillant afin de rehausser l’effet miroitant de l’eau.

En ce qui concerne les arbres, les troncs sont des ronds de balsa épointés et teints à l’encre acrylique, et les ramures sont faites avec de la mousse longue que j’ai ramassé dans les bois derrière chez moi. Après nettoyage, cette mousse est trempée dans un mélange de 90% d’acétone et de 10% de glycérine afin qu’elles conservent une certaine tenue. Puis, quand tout cela est sec, je donne éventuellement un petit coup de bombe vert forêt.

Après tout cet aspect de préparation, vient l’heure du montage, long et fastidieux. Je perce à l’aide d’un foret de 1.5mm de multiples trous dans les troncs, puis, à la pince brucelles, j’y insère une à une les ramures après y avoir déposé un point de colle. Enfin, je saupoudre un peu de flocage Woodland Scenics de la couleur adéquate, que je fixe à l’aide de laque à cheveux extra-forte. Mais les conifères ne sont pas les seuls arbres présents sur le réseau.

Comme vous avez pu le voir sur les photographies, un bosquet de trembles pleureurs, les fameux aspens, entoure la chapelle. Leurs troncs sont toujours en balsa, mais peints en blancs et noirs. En revanche, la ramure, toujours fixée fastidieusement branche par branche, est composée de zeechium sur lequel un mélange de flocage jaune et orange, toujours de chez Woodland Scenics, est fixé, donnant ainsi un aspect automnal bien mis en valeur par l’éclairage chaud des ampoules à leds

Enfin, construire la batellerie m’a beaucoup amusé. Deux cas se sont présentés : tout d’abord, une petite flottille de barques de pêche, toutes identiques. Pour cela, j’ai réalisé un modèle maître avec ce qui me tombait sous la main, puis réalisé un moule en silicone. Et les cinq barques ont été réalisées en résine bi-composant. Les mâts sont des cure-dents, et les voiles de l’essuie-mains chipé dans les sanitaires de mon entreprise ; sa texture m’avait inspiré…

Les trois autres bateaux, deux de pêche et un steamer à aube, ont pour base une forme en carton plume, recouverte de profilés en tilleul ou de carte plastique suivant l’effet recherché, bois ou métal. Après, ce n’est que de l’habillage, de la décoration et du détournement. Par exemple, les filets sont découpés dans de la gaze médicale. Le seul vrai problème que j’ai rencontré fut la fabrication de l’aube ; je ne trouvais pas de pièces circulaires du bon diamètre afin de monter la roue. Mon dévolu s’est finalement jeté sur des joints de robinetterie orange que j’ai eu bien du mal à coller. La barge est réalisée exactement de la même façon.

Le matériel roulant

La Shay

Trois convois différents se succèdent sur le réseau : deux de fret et un railbus.
Les wagons sont issus de la gamme Minitrains, un box (qui fait aussi office de nettoyeur de voie), et un plat embarquant une limousine d’une part, et deux porte-grumes d’autre-part.

Les deux porte-grumes sont tractés par une Forney, elle aussi de chez Minitrains. En revanche, les deux autres wagons sont accouplés à une Shay construite à partir d’une impression 3D Shapeways, et motorisée avec un châssis Tomytec. Cette Shay, au roulement impeccable, a été montée, peinte, testée et débourrée par mon ami Bernard Fabron, modéliste de talent et président du Froggy Modelrailroaders’ Bunch, notre association de modélistes US.

Enfin, le Mack railbus a été construit à partir d’un kit statique pour voie normale de chez Jordan. Après avoir été « légèrement » réadapté pour la voie étroite, celui-ci a été motorisé à partir d’un châssis Kato amputé d’un boggie capteur qui a été remplacé par un essieu bidouillé à l’aide de vieilles roues à rayons Fleischmann affinées à la lime sur une mini-perceuse, et sur lequel j’ai monté une prise de courant. Il me reste un second kit Jordan, que je motoriserai ultérieurement pour de la voie normale.

Ces trois convois ont chacun rempli leur rôle en exposition, tournant sans problèmes de nombreuses heures d’affilées, me permettant de vaquer à de nombreuses activités « sociales » avec les visiteurs ou les exposants. Il ne me reste qu’à créer des marquages, les mettre en place et patiner un peu ce matériel roulant.

En conclusion

Un si petit réseau, qui plus est mettant en œuvre un simple ovale, peut sembler facile et rapide à réaliser. Sembler…

En effet, je me suis vite rendu-compte qu’une telle surface, embrassée dans sa totalité d’un simple regard, se devait de faire la part belle au décor, et que le village, aussi réduit soit-il, devait refléter la vie. Et alors que je pensais avoir le temps, que je croyais que placer la dizaine de maquettes déjà construites allait être le plus gros du travail à effectuer, la multiplication des scénettes, le rajout de détails « pour faire vrai », le cm2 vide au mauvais emplacement qu’il faut donc combler, et bien, rien que cela m’a pris trois mois, à hauteur de deux heures quotidiennes cinq soirs par semaine… Mais bon, ce n’est pas grave, je me suis bien amusé à réaliser Mickaël Harbour.

Je ne pourrais pas finir sans évoquer un modéliste américain qui m’a énormément inspiré et orienté vers cette voie de sur-détaillage du décor. Il s’agit de George Selios dont le réseau, le Franklin & South Manchester, d’une taille de 12 mètres sur 7, est traité comme un diorama, et sur lequel chaque coin regorge de vie et de détails.

Et voilà ! Maintenant, je vais enfin pouvoir m’occuper de mon réseau fixe, le Vlad’s Mountains & Kevin Creek Railway !



Galerie

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Sauf mention contraire, le texte et les photos de cet article sont disponibles sous licence Creative Commons BY-NC-SA.

Crédits : sauf mention contraire, texte et photos par Vlad ; CC-BY-NC-SA ; Trains des Amériques, Mars 2021.

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